Sylvia Pilat, alias Carabistouille, clown d’hôpitaux!

Sylvia a roulé sa bosse depuis son entrée dans la vie active dans le domaine de l’enfance. Son BAFA en poche, depuis le lycée elle a toujours travaillé avec des enfants. Aujourd’hui elle est clown dans les hopitaux à Nice. Un metier artistique et singulier qui interpelle! Et lorsque Sylvia quitte son costume de scène, elle récupère de vieux objets, ponce, colle, cloue, peint, transforme et décore son univers.

C’est dans son écrin de verdure à Saint Jeannet que « Bio dans nos vies » est allé à sa rencontre.

Bio dans nos Vies : -Bonjour Sylvia, merci d’accueillir Bio dans nos vies dans ton jardin si mignon.

Sylvia : – Bonjour Bio dans nos vies

BDNV:- Comme tu le sais, nous aimons aller à la rencontre des artistes pour qu’ils nous parlent de leur façon de respecter l’envirronnement, de leur démarche écolo.

Sylvia : – Je ne me sens pas vraiment écolo.

BDNV:- C’est ce que les artistes nous répondent très souvent en premier lieu. Mais en discutant on s’aperçoit vite qu’ils sont sensibles à la cause, dans le questionnement, dans l’action même minime. Et puis, tu fais un métier très particulier. Clown à l’hopital, c’est mettre du bio- beau dans les cœurs et les âmes au quotidien. Comment devient-on Clown d’hopitaux ?

Sylvia:-Il n’y a pas de parcours pré-défini. Les choses se font au fil du temps et des rencontres.

Depuis le lycée, je travaille avec les enfants. D’abord comme animatrice en colo, puis à l’année. Après le BAFA, j’ai passé un DEFA (diplôme d’état aux fonctions de l’animation) et je me suis petit à petit spécialisée dans le sport avec un BESS (brevet d’éducateur sportif). Les premières années, mon approche des activités dans l’animation était essentiellement axée sur le sport.

BDNV:- D’encadrante autour du sport à clown d’hopitaux le lien n’est pas flagrant….

Sylvia:- Oui en effet! En 1989, dans le cadre de mon travail, j’ai découvert les Ateliers du Cirque « Les Campelières »  à Mougins. Une rencontre qui sera la bascule. J’ai intégré l’équipe et animé les ateliers acrobatie et jongle. Des ateliers physiques où le sport n’était pas loin. Cependant, à la fin de l’année il y avait le spectacle !!! Et là aussi je me régalais. L’organisation, la préparation, les mises en scène, la musique, les costumes, le maquillage, c’était très chouette. Un spectacle où chacun était valorisé dans ses compétences et à la hauteur de ses possibilités. Le monde du cirque ouvre des voies à tous. Et au moment du spectacle tout devient magique, tout est subblimé.

En 1996 pour mon dernier enfant, j’en ai 3, j’ai connu la crèche Solensi à Nice. Une crèche pour enfants concernés par le sida dans leur famille. La structure était tellement extra, tellement ouverte que j’y ai mis Correntin quelques jours par semaine. Un lieu où oeuvrait la psychologue Mireille Kreitman, fondatrice de l’association Indigo qui a pour mission d’améliorer la qualité de vie et la qualité des soins des enfants hospitalisés en hémato-oncologie avec entre autre chose l’intervention de clowns dans les unités de soins.

Au cours d’une discution avec Mireille, elle me dit qu’il n’y a qu’un clown chez Indigo et qu’il serait vraiment bien  qu’il y en ait deux. Connaissant mon expérience dans l’animation avec les enfants, elle me propose de me lancer.

Mais je ne suis pas médecin ! Il ne faut pas être médecin répond Mireille. Je n’ai pas de formation de clown ! Pas grave, ce n’est pas le plus important, rétorque Mireille. Et Magali le clown d’Indigo alias Bidouille me présente et me fait découvrir le metier. J’ai accepté de tenter l’expérience, mais pour 3 mois en tant que bénévole pour être libre de décliner l’offre si je sentais que là n’était pas ma place. Depuis je n’ai jamais arrêté et c’est devenu mon metier. Il a fallu me trouver un nom. Ce sont mes enfants qui l’on trouvé : Carabistouille. Ce qui signifie « dire des bêtises » en Belge.

BDNV : Comment aborde t-on les choses ? Comment travaille t-on ?

Sylvia : Entre le début de ma carrière et aujourd’hui, Carabistouille a beaucoup appris, beaucoup évolué.

Aujourd’hui je travaille toujours pour Indigo, et depuis 2000 je travaille aussi pour l’association Theodora. Indigo est niçoise, Theodora est Suisse, implantée en France également. Cela a été un petit tournant dans ma carrière de clown d’hopitaux. Une sorte de structuration, de professionalisation de mon activité car Théodora est une importante association présente sur tout le territoire dans plusieurs CHU. Pour Théodora mon nom d’artiste est Docteur Zéboulon.

A chaque arrivée dans les services que se soit pour Indigo ou pour Theodora nous, les clowns, nous avons une petite réunion avec le personnel soignant. L’équipe nous informe sur le prénom et l’âge de l’enfant, nous indique les chambres où l’on peut passer, celles où nous sommes expressément attendus par l ‘enfant, ou par la famille, celles où les enfants ne souhaitent pas notre visite ce jour là et celles ou l’équipe médicale nous demande une visite. Les soignants nous donnent aussi des indications techniques, comme « attention  il a été opéré de l’appendicite, ne le fais pas trop rigoler » ou bien « elle doit rester allongée » ou encore  » il est contagieux, à voir en dernier avec masque et sur-chaussures ». On nous donnent aussi des informations sur leur état psychologique « ne le réveille surtout pas cela fait deux heure qu’il pleure ». En entrant dans une chambre avec l’expérience on saisit rapidement la situation. Au début, je ne savais pas prendre ma place, me mettre en lumière tout en trouvant l’angle d’approche entre le pied de perfusion, les différents appareils, le lit. Le matériel est souvent encombrant, surtout en hémato-oncologie. Avec le temps en un clin d’oeil, on sait prendre la mesure et on s’adapte. En poussant la porte d’une chambre on ne sait jamais ce que l’on va trouver derrière. On passe la tête, le regard balaie la chambre, un tour à 180°, en un clin d’oeil on doit sentir le truc tant sur le plan matériel, qu’émotionnel. Nos « spectacles » c’est 100% d’improvisation !!!

Une chose importante aussi pour moi est la façon d’aborder la fonction de clown. Lorsque j’ai démarré j’étais très influencée par les clows Bario, très potaches et gros éclats de rire ! Et puis j’ai appris à faire le distingo entre la tarte à la crème et le clown d’hopital. Une chambre est une scène particulière. Il faut parfois y faire rentrer la vie, le rire, le bruit, la lumière en tirant les rideaux mais il faut aussi savoir se faire petit, très très proche de l’enfant, tout en douceur, dans l’intimité. C’est très élastique. Il m’arrive parfois de ne rien faire, l’enfant est fatigué et juste la présence du clown suffit à faire naitre un sourire. Le chalenge des clowns est un sourire par chambre visitée. 

Autre chose aussi, lorsque j’ai commencé on entrait seul dans les chambres. Aujourd’hui nous sommes toujours deux. C’est beaucoup plus facile pour la prise de contact, pour la mise en scène, pour jongler avec les émotions et rebondir sur l’instant. C’est aussi moins difficile lorsque la situation est lourde et triste. Le duo rassure.  

BDNV : – On sait hélas que dans des services tels que les services hémato-oncologie, certains cas sont sans espoir de guerisson. Comment géres-tu la situation ?

Sylvia : – Je n’aurai pas pu faire ce metier si la douleur n’était pas prise en charge et je dois dire qu’elle est très bien prise en charge. Au delà de cela, on vit notre metier avec passion. On apprend à gérer les émotions, à les canaliser. Nous vivons bien sur des moments très forts, très durs. Parfois ce sont les medecins qui nous disent «Allez-y vous, parce que nous on y arrive plus ». Les clowns ont une place à part entière dans le monde pédiatrique aujourd’hui. Mes années d’expérience me permettent aussi de mieux récupérer après le partage d’une situation particulièrement délicate.  

BDNV pose souvent la question aux artistes du message qu’ils pensent faire passer. Quel est le message d’un clown d’hopital ?

Sylvia : – La superbe phrase d’Anne Dauphine Julliand réalisatrice du documentaire « Et les mistrals gagnants » sorti au cinéma en février cette année. Un film qui traite de la maladie infantile à travers le portrait d’enfants atteints de pathologies lourdes.  «Lorsqu’ on ne peut plus rajouter de jours à la vie, il faut ajouter de la vie aux jours. »

BDNV: …. puissant message, qui laisse penseur.

BDNV: – Ton metier est un metier éthique par exellence, dans le don de soi, dans l’empathie et le partage, écolo du cœur on aurait envie de dire. Fais-tu d’autres démarches qui soit en lien avec le respect de l’homme ou de l’environnement ?

Sylvia: – Sur le plan alimentaire je n’achète plus ce qui vient d’Espagne, j’achète des fruits et légumes de saison, je n’achète jamais de plats préparés. Je cuisine.

Mais surtout je suis une accro de la récupération et j’achète par exemple beaucoup de mes vêtements en braderie ou vide grenier. Lorsque mes enfants sont nés je me suis procurée tout le matériel pour bébé, d’occasion. Je trouvais tellement dommage d’acheter neuf pour quelques mois d’utilisation. Et lorsqu’ils étaient ados pour leur faire plaisir et qu’ils ne se sentent pas trop en décalage à l’école je cedais à leur demande de vêtements de marques en les achetant d’occasion aussi. Pour des raisons économiques mais essentiellement par principe. Je n’aime pas trop cette société de consommation à outrance ni l’impact que ces modes ont sur nos sociétés.

BDNV: -Tu dis que tu récupères beaucoup. Quel genre de récupération ?

Sylvia: -De vieux objets surtout, que je réabilite dans leur usage ou que je détourne de leur usage premier pour de la déco. Depuis le lycée je récupère, je réutilise, je transforme tout ce que je trouve. A l’époque ce n’était pas très bien vu. Heureusement les choses ont bougé, changé. Je suis donc passé du statut de « fouilleuse de poubelles » au statut plus classe de « recycleuse ». Pas mal non ? Ah ah !  J’adore la déco, mon interieur est décoré en grande partie avec mes bricolages. Mon jardin aussi d’ailleurs. 

: – Oui c’est beau, il y a un coté magique et enfantin dans ton jardin. Tu crées des espaces intimes et chaleureux.

Sylvia:- Oui chaque recoin à son univers. Le recoin sieste ou lecture sous le figuier dans un vieux lit en fer revisité. Le coin repas partage et convivialité sous la tonelle, avec ma table mosaïque de porcelaine. Je travaille aussi avec des vieilles assiettes de porcelaine ébréchées. Je les casse et avec les morceaux je fais de la mosaïque.

 

 

 

 

BDNV: – Où te founis-tu ?

Sylvia:  – Partout où c’est possible, poubelle, Emmaus, vide grenier, brocante et je répare, je peins, je ponce, je colle, je métamorphose. Soit au hasard, soit en cherchant. Si en passant devant des poubelles je vois quelque chose qui me me parle, hop ! j’embarque. Je suis attachée aux vieux objets, ceux qui ont traversé le temps , qui portent une histoire. Et puis c’est tellement mieux que de se fournir dans les centres commerciaux. Arrêtons de consommer autant.

Il y a quand même des questions à se poser sur notre environnement. Je vais revenir à mon métier en centre hospitalier, mais il y a, ces dernières années, une augmentation notable des leucémies chez les enfants ainsi que d’autres pathologies. Le nombre de très petites filles pré-pubères et d’opérations d’enfants pas identifiés sexuellement à la naissance aussi est en nette augmentationC’est un peu perturbant non ? On ne peut s’empêcher de faire le lien avec l’alimentation, les produits chimiques, les pertubateurs endocriniens…

BDNV: -Il y a de quoi se posait des questions sur nos modes de fonctionnement dans nos sociétés dites modernes, tu as raison.. Malgré ça tu continues de transmettre la joie, la couleur que se soit dans ton métier ou dans tes créations. Une artiste généreuse au sens profond du terme.

Sylvia: -Bien sur c’est important de rester dans le rire ou le sourire même si ce n’est pas toujours évident. Un enfant est un enfant jusqu’au bout et la vie est là jusqu’à la dernière seconde. Les témoignages, les courriers de remerciements des enfants, des familles nous donnent aussi la force de poursuivre.

Il faut dire aussi qu’en contre partie de plus en plus de pathologies se soignent, on guérit plus qu’avant. Et lorsque je suis un peu débordée par tout ça et bien je plante des fleurs, je coue, je bricole, je colle, je ponce, je décore, je transforme, je recycle.

BDNV:-Bravo et chapeau bas Sylvia. 

L’échange avec Sylvia est un instant rare, pudique, parfois le silence s’impose, on laisse passer l’instant. Une incursion, dans le monde des enfants hospitalisés par l’entrée des artistes tout en finesse et en sensibilité malgré les nez rouges et les grandes savates !

Merci Sylvia pour les enfants et leur famille et pour Bio dans nos vies. Belle route à Carabistouille et à tes partenaires Robinet et Bidouille.

Erika DCR pour Bio dans nos vies

Pour soutenir l’action des associations Indigo ou Théodora vous pouvez faire un don.

Association Indigo , 57Avenue la Californie, Fondation Lenval 06200 NICE                                                                     Tél : 04 92 03 92 68  associationindigo@wanadoo.fr

Association Théodora, 24 Rue Saint Charles  75015 Paris                                                                                                 Tél: 01.45.79.00.14  contact.france@theodora.org

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