Le retour des herboristes par Pascale Imbert

PLANTS WAR

LE RETOUR DES HERBORISTES

 

En France, le diplôme d’herboriste fût abrogé par le Maréchal Pétain, en 1941, afin de développer l’industrie chimique. A ma connaissance, il ne reste plus d’herboristes diplômés ; ce sont, désormais, les Docteurs en Pharmacie qui ont le monopole de la vente des produits à base de plantes médicinales. Je ne développerai pas la réglementation qui séquestre nos amis végétaux ; elle est bien trop complexe et illogique pour un esprit normalement constitué. J’aimerais simplement écrire sur les Plantes et les Hommes qui les élèvent, les connaissent et les aiment.

En mai, j’ai passé un week-end formidable, à Lyon, au Congrès des Herboristes… Est-ce que je m’étais perdue ?… Même pas ! J’y suis allée de mon plein grès, contente, mais certes, un peu critiquée par certains de mes confrères pharmaciens. Qu’importe, j’allais y retrouver ma petite famille de « Poètes scientifiques », mes « Âmes vertes », Patrice, Gilles, Françoise, Cathy et toute l’équipe de l’ELPM… avec, en prime, un merveilleux cadeau : être le guide de Jean Marie Pelt dans le Parc de la Tête d’Or. Monsieur Pelt, un homme extraordinaire dont la simplicité émouvante et chaleureuse caractérise généralement les personnes de grande intelligence. 

Dès que vous vous intéressez, tant soit peu, aux Plantes, elles vous enchantent, vous fascinent, vous passionnent pour la vie. C’est ce qui arrive à tous ceux qui, un jour, se sont arrêtés pour regarder une fleur de bourrache ou une feuille de millepertuis, qui ont essayé de pénétrer les secrets du pavot somnifère ou de la sauge officinale… La nature est magique, elle nous offre ses trésors en toute humilité. 

Comme nous l’avons vu, la vente des plantes médicinales appartient au monopole pharmaceutique. Pourquoi les pharmaciens ? C’est la question qu’il faut se poser. Certainement  parce qu’à l’heure actuelle ce sont les seuls à avoir, de manière officielle, les connaissances requises, pour conseiller la prise d’un médicament à base de plantes. Ils ont des compétences en physiologies, en physio-pathologie, en anatomie, en chimie minérale et organique, des notions de botanique et de pharmacognosie. Mais connaissent-ils vraiment les plantes ? Ont-ils déjà vu une primevère ou de la fumeterre ; savent-ils à quoi sert le lotier corniculé ou la salsepareille ?… Alors qui, de nos jours, sont les garants de ces savoirs ancestraux ? Des gens qui ont observé une fleur de mauve, qui différencient la lavande officinale de la lavande aspic, qui savent conseiller un mélange de plantes après un diagnostic médical… des gens qui aiment la Nature et la respectent ! 

Mais sont ces êtres si singuliers ? Existent-ils ? Ont-ils existé ? Dans certaines civilisations on les appelle des sorciers, dans d’autres des chamanes, en occident, des herboristes. Les premiers ont un certain avenir ou un avenir certain car comme l’a évoqué Jean Marie Pelt, lors de sa conférence, les savoirs ancestraux, les utilisations empiriques, les rituels chamaniques restent une source inépuisable en matière d’ethno-pharmacologie. Mais les herboristes semblent avoir « règlementairement » disparus. Alors pourquoi organiser un évènement qui s’adresse à une espèce en voie d’extinction ? L’ELPM, IPSN, l’Herboristerie du Palais Royal et Natura Mundi auraient-ils perdu la raison ?

J’apprends, pourtant que le congrès a affiché « complet » avec plus de 250 inscrits et de nombreux refus. Je constate que la salle de conférence est pleine ; producteurs, vendeurs, enseignants, médecins, pharmaciens… sont là pour témoigner, parler de leur métier, de leur amour des Plantes. Les conférences se succèdent. On ressent cette passion qui anime intervenants et congressistes, cette ferveur de vouloir remettre, au goût du jour, le droit de se soigner autrement.

Des écoles d’herboristes existent car la formation est primordiale. Les Plantes ne sont pas anodines ; elles peuvent être dangereuses. Pensons à la digitale pourpre, à l’aconit, à la belladone… Patrice de Bonneval, Jean François Astier et Augustin de Livois l’ont compris et ont créé, le 17 mai 2014, la Fédération Française des Ecoles d’Herboristerie. Six organismes ont signé les statuts : l’ARH (Association pour le Renouveau de l’Herboristerie), Cap Santé (Ecole Bretonne d’herboristerie), l’EDP (Ecole des Plantes de Paris), l’ELPM (Ecole Lyonnaise de Plantes Médicinales et des Savoirs Naturels), l’IMDERPLAM (Institut Méditerranéen de Documentation, d’Enseignement et de Recherche sur les Plantes Médicinales) et l’EFH (Ecole française d’Herboristerie). C’est un grand évènement, un grand pas pour le monde des Plantes car finalement tout est question de formation. La demande est grandissante, l’intérêt pour des traitements « naturels » ne cesse de croître… il est grand temps d’en prendre conscience et de raisonner différemment. Les pouvoirs publics ne peuvent plus faire semblant de l’ignorer. Cependant que pourrait apporter le métier d’herboriste ?

Une garantie que le savoir ancestral sur les Plantes ne s’altère ou ne se perde pas. De nombreuses connaissances datent d’Hippocrate, père de la médecine occidentale. Certaines ont été confirmées par une utilisation millénaire, d’autres se sont perdues. Celles qui ont perduré sont le fruit d’une utilisation empirique sur les millions de personnes. Quel laboratoire pharmaceutique ne rêverait-il pas d’une aussi importante étude clinique en double observation versus guérison ?

Une garantie que les préparations contenant plusieurs plantes ne disparaissent pas. Depuis la nuit des temps, les hommes ont utilisé des cataplasmes, des infusions… pour soigner leurs blessés, soulager leurs malades. Très vite les guérisseurs ont réalisé qu’un mélange de plantes entraînait une synergie des activités de chacune d’entre elles. Cette alchimie est retrouvée dans les mélanges d’huiles essentielles. Cependant, aujourd’hui, il est très difficile de commercialiser un médicament contenant différentes plantes. C’est le rôle et le privilège de l’herboriste de fabriquer des infusions adaptées aux besoins de chaque patient en vue d’un traitement individualisé.

Une dynamisation de l’économie locale. En France de nombreux herboristes sont de petits producteurs « Bio » de plantes médicinales. Ils les soignent, les élèvent, les récoltent quand il faut, les font sécher, comme il faut ! Laurent Gautun a dit, au sujet des huiles essentielles, « La qualité ne se contrôle pas, elle se fabrique ». Nous pourrions dire aussi qu’elle se cultive. De nombreuses études ont démontré que le terrain, l’ensoleillement, l’altitude à laquelle pousse une plante aromatique a une importance capitale sur la qualité de l’huile essentielle obtenue après distillation. Par exemple, la sarriette des montagnes (Satujera montana L.) est plus riche en carvacrol à la fin de l’été. Les amoureux et connaisseurs des Plantes le savent et le respectent ce qui garantit la qualité et l’innocuité des produits.

L’assurance d’une démarche écologique. La nature nous offre sa beauté, son oxygène, ses composants chimiques actifs… Il est impératif de la respecter et de la protéger. L’herboriste a cette approche aimante et respectueuse du monde végétal. Il la partage avec les personnes qui viennent le voir. 

Tous les aspects de ce métier ont été abordés lors de la deuxième édition du « Congrès des herboristes » du 17 et 18 mai 2014. Cette réunion fût riche en échanges constructifs. L’engouement pour les soins à base de produits naturels ne cesse d’augmenter dans un monde où le médicament de synthèse a montré ses limites. Il est important de proposer aux patients, aux consommateurs, une approche différente et sécurisée de la santé. C’est un des premiers principes de la Liberté ! Cependant il faut que la profession s’organise ; c’est ce qui a été prôné, à l’unisson, pendant deux jours à Lyon. Rendez-vous le 25 et 26 avril 2015 à Toulouse pour reprendre les échanges et soutenir cette profession d’avenir.

Le Congrès des Herboristes qui a eu lieu à Lyon les 17 et 18 mai a connu un grand succès. Plus de 250 personnes sont venues des quatre coins de la France, du Canada, de la Belgique, de l’Angleterre, du Liban… pour échanger sur l’avenir de l’herboristerie en France. La  Fédération française d’Herboristerie a vu le jour à cette occasion.

Toutes les conférences ont été enregistrées, vous avez la possibilité de les voir ou de les revoir en cliquant sur le lien suivant :

https://www.youtube.com/watch?v=zZWj8s2t-xw&list=PLEp7enc49rndXjRJvorwWb0F0lsB_-4Wp

Pascale Imbert, Docteur en Pharmacie